Séance Inovia : avoir un CA engagé

Votre conseil d’administration accélère-t-il la réussite de votre startup ou ressemble-t-il plutôt à un processus de déclaration discale ? Les bons conseils d’administration sont essentiels au succès des startups. Ils sont une occasion unique de mettre en place une culture de responsabilisation, de confiance et d’ouverture à la diversité des points de vue des membres.

Mais comment les entreprises en phase de démarrage peuvent-elles s’assurer qu’elles ont un conseil d’administration performant qui donne le ton pour la suite ?

Au cours de cette Séance Inovia, notre collègue Shawn Abbott s’est assis avec le fondateur de BenchSci’s, Liran Belenzon et la PDG de theBoardlist, Sukhinder Singh Cassidy, pour une conversation sur la création et la gestion de bons CA.

Shawn : Quelle est votre expérience dans la gestion d’un CA hautement performant ?

Sukhinder : Je pense que la taille est définitivement une considération lorsque vous pensez aux CA performants; idéalement, un CA est composé de cinq à sept membres.

Si vous êtes PDG d’une entreprise et que vous encadrez une équipe de direction, vous constaterez qu’au-delà de sept ou huit personnes, la situation devient un peu difficile à gérer. Même si c’est parfois difficile, au moins avec l’équipe de direction, vous êtes tous ensemble à échanger et à apprendre dans l’adversité. Gérer votre conseil d’administration, c’est comme gérer une autre équipe, mais une équipe qui ne se réunit pas très souvent.

Outre la gestion de la taille, pour générer des résultats au lieu de longues discussions ou de simples revues de présentations, vous devez investir dans votre CA. Investissez dans la structure de l’ordre du jour, préparez le CA avant la réunion et dirigez la réunion de la même manière que vous le feriez pour une réunion de votre équipe de direction.

En fin de compte, si vous voulez un bon CA, vous devez agir comme l’entraîneur de l’équipe ou déléguer la tâche de gérer activement la réunion du CA à votre membre indépendant, ou encore à l’un de vos grands investisseurs.

Liran : J’ai appris qu’il fallait aussi exiger que les observateurs ne parlent pas; les bons comprennent qu’ils ne sont pas des membres votants.

Shawn : C’est un concept clé. Le simple fait de déplacer les chaises de la table vers le mur et de ne pas s’asseoir à la table crée une excellente dynamique, car les cinq personnes restantes à la table doivent soudainement s’engager dans la discussion. Il y a ainsi un niveau de responsabilisation beaucoup plus élevé.

Sukhinder : Dans certains cas, vos observateurs sont plus instruits sur l’entreprise parce qu’ils sont le partenaire le plus junior amené à la table pour apprendre. Si vous voulez créer un sentiment de responsabilisation chez la personne qui occupe ce siège, vous devez favoriser une dynamique qui oblige le partenaire principal à s’engager.

Shawn : Pouvez-vous fournir des exemples de sujets spécifiques qu’il serait pertinent d’aborder avec les membres d’un CA pour structurer les rencontres, car il y a parfois certaines conversations qui sont utiles et d’autres qui ne le sont pas.

Liran : J’ai toujours envoyé le document à l’avance, mais la façon dont j’interagis avec les membres du CA a complètement changé après qu’un des membres soit venu de San Francisco pour une réunion que j’animais en tant que PDG.

J’ai fait ce que font probablement la plupart des gens, j’ai envoyé un document quelques jours à l’avance et nous avons commencé la réunion en lisant ce document. À la fin, j’ai demandé des commentaires et ce membre a répondu : “écoutez, je n’ai pas sauté dans l’avion et fait tout le trajet depuis San Francisco pour lire un rapport que j’avais déjà lu moi-même”. C’était une excellente rétroaction. Depuis ce temps, nous avons complètement revu la façon dont nous menons les réunions du CA.

Désormais, la réunion est traitée exactement comme une réunion interne. Les membres reçoivent un document 72 à 96 heures à l’avance. Il s’agit d’une présentation Google, et toutes les questions ou commentaires sont soumis et résolus à l’avance.

Il y a des sections que chaque chef de service doit présenter. Chacun fait une vidéo Loom, afin que les investisseurs apprennent aussi à les connaître. Lorsque nous arrivons à la réunion du CA proprement dite, il y a un ordre du jour très strict, et 30 à 60 minutes pour répondre aux nouvelles questions.

Ensuite, nous faisons ce que le CA est censé faire, c’est-à-dire approfondir un sujet, parler de stratégie ou élever l’un des cadres de l’entreprise en le faisant interagir avec le CA. Nous avons complètement délaissé la lecture du rapport de 100 pages. Au fur et à mesure que l’entreprise se développe, il y a de plus en plus de demandes et de questions, et il faut y répondre avant que le CA ne se réunisse.

C’est mon travail de m’assurer que le CA dispose du contexte et de l’alignement appropriés pour soutenir et remettre en question les décisions. Nous le faisons avec des petites séances de conseil programmées entre les réunions du conseil. C’est un rendez-vous mensuel de 45 minutes que nous annulons parfois si nous n’avons rien à nous dire.

Nous envoyons également une mise à jour mensuelle. Les membres la lisent et nous leur demandons leurs questions et commentaires sur les décisions rapides que nous devons prendre. Je ne vais pas attendre trois mois avant de prendre une grande décision, je ne peux pas me permettre ça, nous ne survivrions pas en tant qu’entreprise.

Sukhinder : Je suis tout à fait d’accord avec cette approche. Je suis le membre indépendant en ce moment d’un CA. Nous avons planifié les quatre prochaines réunions du CA et réparti les sujets à traiter en profondeur au cours de ces quatre prochaines réunions. Ceci nous permet de discuter en profondeur de marketing, de fusions et acquisitions ou de tout autre sujet, pour comprendre les choses en détail.

Ce sont le type de sujets que vous pouvez alterner entre les réunions du conseil.

Shawn : J’ai entendu dire qu’un facteur clé de succès d’un CA est une utilisation judicieuse du temps et une communication claire des résultats attendus pour le travail du CA. Ceci fait écho au commentaire initial de Sukhinder, à savoir que le CA est une équipe. Il n’est pas évident pour les membres des CA des startups de travailler en équipe. Les gens assistent souvent à un CA en pensant qu’ils sont indépendants, pas au sens du titre, mais au sens qu’ils travaillent seuls.

Shawn : Il est extrêmement important d’avoir un conseil d’administration qui travaille en équipe. Liran, peux-tu nous raconter comment tu as créé cette culture d’équipe ?

LIRAN : Pour vraiment avoir un conseil d’administration performant, comme dans toute équipe, vous devez créer un sentiment de sécurité psychologique. Je pense que c’est la chose la plus importante. C’est idéal d’en arriver à un point où nous pouvons vraiment parler de tout. Il ne s’agit pas seulement de dire que tout va bien, mais aussi d’envisager la possibilité que si les choses ne fonctionnent pas, il y a des options dont il faut aussi discuter.

Je pense que faire preuve de vulnérabilité mène à une véritable connexion avec les membres. Pour moi, la vulnérabilité est d’admettre de ne pas toujours avoir toutes les réponses. C’est bien de dire : Je ne sais pas encore, j’ai besoin de temps pour comprendre ou je ne suis pas encore prêt à en parler. Je pense que cela fait preuve à la fois de courage et de vulnérabilité.

Si vous considérez votre CA comme générationnel, il se peut que des personnes vous accompagnent depuis la phase de démarrage et que, tout d’un coup, il y ait un nouveau membre du conseil. Vous devez continuellement entretenir cette confiance et cette transparence.

Sukhinder : Je dirai aussi, qu’en tant que PDG, j’ai appris à utiliser mon coach exécutif. Je ne veux jamais cacher des choses au conseil, mon travail consiste à être franche avec les membres pour les responsabiliser, à aborder les sujets difficiles et à parvenir à une résolution. J’ai la conviction que mon coach me soutient et que je peux lui dire absolument n’importe quoi. Je vais parfois me défouler avec lui pour qu’au moment où j’entre dans la salle de réunion, ce soit productif.

Je pense qu’une autre façon de montrer la vulnérabilité avec le CA est d’inciter la rétroaction. En fait, ne vous contentez pas de l’inciter, exigez-la. Les membres du conseil d’administration sont habituellement mauvais pour donner du feedback aux PDG. Ils n’appliquent aucun processus structuré. Il est très rare que les conseils d’administration créent le processus pour vous donner du feedback ou avoir un dialogue actif avec vous.

Laissez-les parler à vos équipes car vous préférez savoir ce que vous devez faire pour être plus performant. Démontrez une conscience de soi et un désir de s’améliorer. C’est une façon de montrer à la fois sa vulnérabilité, mais aussi sa force en tant que leader. Une fois, j’ai demandé au membre indépendant de mon CA de faire une session de feedback, mais dans tous les autres cas, j’ai demandé à mon coach exécutif de faire mon 360°.

Liran : J’avais un coach exécutif avec qui nous avons très bien travaillé, elle travaille maintenant à temps partiel dans l’entreprise en tant que directrice du leadership. Elle travaille avec tous les gestionnaires. Elle a réalisé mon 360° avec la contribution des membres du conseil d’administration, et tout le monde dans l’entreprise a participé au 360°, c’était donc un processus vraiment robuste. Le conseil d’administration me l’a présenté et je l’ai partagé avec l’ensemble de l’entreprise. Nous le faisons maintenant sur une base annuelle, au quatrième trimestre.

Ce que j’aurais aimé faire différemment, c’est de créer un processus pour donner également des commentaires aux membres du conseil d’administration, car je pense que c’est crucial. Il est vraiment important de se rappeler que les membres du conseil d’administration, pour la plupart, ne sont pas des opérateurs ou des gestionnaires. Ils ne disposent pas de ces compétences. Il est donc essentiel qu’un expert facilite un processus de feedback.

Shawn : Liran, vous avez reconnu le besoin de sécurité psychologique pour que les gens démontrent vraiment leur vulnérabilité. Quelles sont les choses concrètes que vous faites pour créer ce sentiment de confiance ?

Liran : Je pense que cela revient à ce que Sukhinder a dit : le CA est une autre équipe. Comment construiriez-vous la sécurité psychologique et la confiance avec votre équipe de direction ? Je pense que cela vient avec le temps. Cela vient aussi avec l’attention et le fait de passer du temps ensemble et d’apprendre à se connaître, en s’assurant de choisir les bonnes personnes pour le CA.

Savez-vous comment être en désaccord ? Avec certains des membres du conseil dont je suis le plus proche, nous ne sommes pas d’accord la moitié du temps, mais nous savons comment être en désaccord. Quand on sait être en désaccord, je pense qu’il y a une sécurité psychologique et une confiance qui s’installe. Il est facile d’aborder toutes ces questions lorsque vous vous souciez de quelqu’un et que c’est réciproque. C’est du management 101 et je ne vois pas de différence avec le CA.

Sukhinder : La confiance se construit entre autres à partir du désaccord. Si vous voulez construire la sécurité psychologique, vous devez montrer aux gens que c’est correct d’être en désaccord. Ce que vous voulez faire parfois, c’est tester les limites en abordant des sujets difficiles, avoir le débat dans la salle, et passer à autre chose. Tout le monde voit alors qu’il peut être entendu et se sentir entendu. Pour moi, c’est comme ça que la confiance se construit.

Il ne fait aucun doute que cela peut se retourner contre le membre du conseil d’administration qui s’offusque ou qui pense tout savoir. Ces réactions peuvent être des signes que vous ne partagez pas de valeurs communes sur la façon dont vous voulez vous sentir les uns avec les autres et sur les environnements que vous souhaitez favoriser.

Shawn : À quoi cela ressemble-t-il d’être vulnérable avec vos conseils d’administration lorsqu’il y a des discussions difficiles ?

Liran : Vous ne pouvez pas éviter les conversations difficiles. Vous devez passer par des “ruptures ou réparations”.

Si un conflit n’est pas résolu, vous jouez votre rôle de PDG et vous avez cette conversation vraiment difficile sur ce qui s’est passé, vous discutez de ce que vous ressentez et vous utilisez les meilleures pratiques sur la façon de donner du feedback. C’est difficile mais c’est nécessaire. Je pense que 99 % de mes expériences, que ce soit avec des collègues ou des employés, se terminent toujours bien après cette conversation. Tant qu’il y a la réparation après, je pense que vous avancez plus fort ensemble.

S’il ne peut pas y avoir cette réparation, alors la prochaine série de conversations devra plutôt être : ce n’est peut-être pas le bon endroit pour vous ? peut-être que quelqu’un d’autre de l’entreprise devrait être assis là au prochain tour? Ou pourquoi ne pas vous passez à un rôle d’observateur ?

Sukhinder : Si les ruptures créent la capacité de revenir et de continuer à parler, alors, vous savez que vous avez une sécurité psychologique. Si les ruptures créent des ruptures, vous avez un plus gros problème dans la dynamique de votre équipe. C’est la conversation après la conversation qui détermine vraiment la sécurité psychologique. Si la conversation initiale a suscité beaucoup de consternation, vous devez trouver le courage de boucler la boucle. Parfois, je reviens en arrière et je m’excuse. Vous devez être prêt à avoir cette conversation après la conversation. Rien n’est pire pour nuire à la sécurité psychologique qu’une série de débats difficiles où les gens ne se sentent pas bien par la suite et ont peur d’en parler. En fin de compte, cela ne fera que saper l’efficacité de n’importe quelle équipe.

Shawn : Sukhinder, vous avez mentionné être un leader indépendant, et il y a une transition pour de nombreux fondateurs où ils se rendent compte que c’est un cadeau d’avoir quelqu’un d’autre pour présider une réunion du conseil d’administration afin qu’ils puissent se concentrer sur l’écoute au lieu de gérer la rencontre. Mais quand cela arrive-t-il ? Quelle est votre position sur le sujet ?

Sukhinder : Je veux en quelque sorte donner à la fois un bon et un mauvais exemple de mon propre passé, si cela peut être utile. Évidemment, les gens pensent souvent à ajouter un indépendant plus tard plutôt que plus tôt. Mais disons que vous ajoutez un indépendant à la série A ou B, vous ajoutez probablement un opérateur à un conseil composé uniquement d’investisseurs. Pour ceux d’entre vous qui se posent la question, qui dans la salle a de l’empathie ou de la sympathie pour votre situation ? C’est un autre opérateur avec une perspective solide dans tous les domaines où vous en avez besoin.

Dans mon esprit, le rôle numéro un du leader indépendant consiste à créer une très bonne dynamique pour le CA. Deuxièmement, être la personne qui doit donner de la rétroaction au PDG. À titre de leader indépendant, j’ai mené l’examen d’un PDG au lieu que quelqu’un d’autre le fasse. Je pensais que c’était mon rôle pour comprendre ce que le conseil d’administration avait à l’esprit et qui pourrait ne pas être communiqué, et faciliter ce processus. Vous êtes là pour aider réellement le PDG à être plus efficace.

Liran: J’aimerais bien amener la conversation sur un sujet différent que je juge primordial : la diversité, l’équité et l’inclusion au sein d’un CA est vraiment très important. Malheureusement, la plupart des investisseurs (et cette affirmation est juste basée sur les statistiques) sont des hommes blancs. Cela se reflétera probablement dans votre CA. Il n’y a pas beaucoup de personnes de couleur ou de personnes qui s’identifient comme des femmes dans les sociétés de capital-risque, surtout au niveau des associés. Je pense qu’avoir des membres indépendants de différentes industries est génial pour composer une équipe plus équitable, fonctionnelle et performante. Une fois que nous avons ajouté un membre du CA issu d’un milieu différent, il a été étonnant de voir comment cela a influencé les réunions du conseil et comment tout s’est amélioré.

Nous devrions également parler de la responsabilité des investisseurs. Par exemple, en tant qu’homme blanc, si vous faites partie de dix CA, cela ne laisse aucune possibilité à une femme, une personne de couleur ou une personne issue d’un groupe raciale de rejoindre ce conseil. Quelle est votre responsabilité de laisser la place aux représentants de la diversité et d’en parler aux fondateurs ? Comment le problème va-t-il être résolu s’il n’est pas abordé ?

C’est une question qui concerne tous les membres du conseil, et pas seulement les membres indépendants. Vous pouvez prêcher ce que vous voulez, mais si vous n’avez pas une équipe diversifiée au sommet, vous n’obtiendrez pas la confiance et l’attrait dont vous avez besoin.

Shawn : Vous savez, il y a un bénéfice incroyable à commencer en brossant un tableau de ce à quoi devrait ressembler un bon CA. Faire la matrice des attributs recherchés et des candidats, et reconnaître que si nous avons sept sièges au conseil, nous recherchons différents âges, genres, origines ethniques expériences. Si vous avez cette volonté fondamentale de prendre de meilleures décisions en misant sur la force de la diversité et des perspectives différentes, alors c’est extrêmement productif.

J’ai constaté que lorsque vous commencez par cela, de nouvelles possibilités s’ouvrent sur la façon d’y parvenir.

C’est sur cette note que nous terminons cette heure d’insights basés sur des expériences réelles sur la façon dont un CA peut vraiment travailler pour votre entreprise !

Inovia est fière d’annoncer qu’elle s’est récemment associée à theBoardlist pour offrir à ses sociétés en portefeuille une initiative qui leur permet d’être plus efficace dans la recherche de candidats pour leurs CA. Pour plus de détails, cliquez ici

Ne manquez pas l’une de nos prochaines Séances Inovia, au cours de laquelle nous discuterons de la création et de la gestion de CA pour des entreprises en phase de grande croissance et des différentes considérations à prendre en compte lors de la création d’un CA avant l’introduction en bourse.