Se tailler un poste sur mesure dans un conseil d’administration performant
J ’ai siégé à des dizaines de conseils d’administration et j’ai remarqué que même s’ils sont rares, les conseils efficaces et performants contribuent énormément au succès d’une entreprise et offrent une expérience personnelle extrêmement enrichissante. Malheureusement, j’ai aussi été témoin des torts immenses que peut causer un conseil mal géré… et la gestion de nombreux conseils laisse à désirer.
Je me fais un devoir personnel de former et de maintenir en place des conseils performants et de quitter volontairement ceux qui n’ont pas ce qu’il faut pour évoluer et exceller. Si vous en êtes à votre première expérience comme administrateur, le présent aperçu vous aidera à comprendre ce rôle et vous montrera à quoi ressemble un conseil performant.
Au dernier sommet des chefs de la direction d’Inovia Capital, j’ai animé l’une des séances qui ont le plus captivé la cinquantaine de PDG présents : un entretien avec l’administrateur principal et chef de la direction de Solium (TSX : SUM) au cours duquel nous avons discuté de nos expériences directes sur le sujet. Pendant mon mandat, Solium avait un conseil performant qui a su gérer plusieurs situations lourdes de conséquences, dont un changement de PDG, de possibles acquisitions transformatrices et la vente de la société pour plus de 1 milliard de dollars, une plus-value fort inhabituelle par rapport à l’évaluation publique déjà élevée. Voici quelques-unes des choses que j’ai apprises de mon expérience avec Solium et d’autres conseils au cours des trente dernières années.
Trouver la bonne personne
Le poste le plus important d’un conseil d’administration est celui de PDG. Le conseil est directement et exclusivement responsable de l’embauche, de l’évaluation, de la gestion et, si nécessaire, du remplacement du PDG. Il en découle une série d’enjeux qui sont à la fois mal compris et gérés par bon nombre de conseils (voir les nombreux sujets et points ci-dessous). Aider le PDG à composer, recruter, garder en place, évaluer et faire grandir son équipe de direction fait partie intégrante du rôle du conseil. Ensemble, ces fonctions devraient monopoliser la plus grande partie du temps d’un administrateur. Comme nous le verrons, pour remplir ce rôle, il faut veiller à tisser des liens solides entre l’équipe de direction et le conseil, et pas seulement avec le PDG.
Échafauder la bonne stratégie
Contrairement au point susmentionné, le conseil d’administration n’est pas responsable de la stratégie de la société. Ce volet relève de la direction. Par contre, un bon conseil sera essentiel à l’élaboration de cette stratégie. Le rôle premier du conseil consiste à éprouver cette stratégie en l’examinant à la lumière des expériences distinctes de ses membres afin d’aider la direction à voir les angles morts, à prévoir les conséquences subséquentes et à évaluer les risques dans une perspective d’ensemble. Même si les choses peuvent évoluer très rapidement aux premières phases de démarrage, ce qui nécessite des discussions constantes sur la stratégie, je trouve qu’il est utile d’axer l’une des quatre réunions trimestrielles sur cet aspect. Il y a lieu de tenir une longue séance, en dehors des bureaux, afin d’encourager le changement de mentalité requis pour que la direction travaille « sur » plutôt que « dans » l’entreprise. La définition d’une vision à long terme est parfois négligée, mais peut changer complètement la donne pour une entreprise en démarrage.
Ne pas déléguer « vers le haut »
Le conseil d’administration aide le PDG à prendre des décisions clés : il ne les prend pas à sa place. Vous devez écouter attentivement, poser quelques questions pour vous assurer de bien comprendre et réfléchir à la manière de mettre à profit votre réseau et votre expérience pour aider le PDG à choisir la meilleure option. Choisissez vos mots avec soin, en utilisant le filtre qui consiste à dire ce qui est utile et non ce qui est juste. Vous êtes un acteur de soutien, pas la vedette. Je vois trop d’administrateurs nourrir leur ego en se lançant dans d’interminables diatribes sans tenir compte de ce principe de base. Au bout du compte, cette façon de faire ne sert personne, mais c’est une aptitude qui s’acquiert avec le temps. D’un côté, un administrateur a besoin d’une vision claire et franche de tout ce qui se passe pour se forger des points de vue et des opinions. Il ne l’utilise pas pour décider à la place du PDG, mais simplement pour lui donner une vue d’ensemble et des conseils qui lui permettront de prendre les meilleures décisions, et le langage utilisé pour formuler ces commentaires est d’une importance capitale pour les deux parties. C’est le PDG — et non le conseil — qui est responsable des résultats.
Garder les formalités administratives pour la fin
Mis à part la brève formalité consistant à s’assurer que les bonnes personnes sont présentes dans la salle et ont les bons documents en main, il est préférable de consacrer les premières minutes d’une réunion du conseil au compte rendu du PDG, et non à la gouvernance. Si vous prenez 15 à 30 minutes pour aborder la question « à huis clos » seulement avec le PDG, ce dernier pourra ouvrir la séance et informer les administrateurs des points clés auxquels ils devront porter attention lors des discussions. Dans le cas d’une entreprise en démarrage, il faudra tout de même rédiger le procès-verbal, approuver les attributions au titre du régime d’actionnariat des employés pour le trimestre, ratifier la liste des dirigeants et vérifier les états financiers, les contrôles et les processus, mais ce n’est pas vraiment le rôle premier ni la principale valeur du conseil. Dans une société ouverte, cet équilibre peut bien sûr différer de celui d’une entreprise en démarrage.
Laisser tomber le diaporama
Lorsque tout le monde aura lu les diapositives et noté ses questions et commentaires, laissez tomber le diaporama. Demandez à chaque dirigeant de résumer en une minute son point de vue sur une diapositive centrale présentant les objectifs et résultats clés (nous y reviendrons plus loin), de poser ses questions et de nommer un point de discussion stratégique. Vous passerez ainsi moins de temps à remonter dans le passé (« Que s’est-il passé? »), ce qui vous permettra d’appliquer les leçons tirées à une stratégie prospective (« Que ferons-nous? »). L’optimisation du rythme d’apprentissage est un facteur clé de la réussite d’une entreprise en démarrage, et l’un des moyens simples que j’utilise pour mesurer la maturité d’un conseil est l’évaluation du temps consacré à l’avenir par rapport au temps consacré au passé. À titre d’exemple, je trouve souvent que les entreprises en démarrage consacrent beaucoup de temps aux résultats financiers, non pas parce qu’ils sont intrinsèquement complexes ou en raison des enjeux en cause, mais parce qu’il n’existe pas encore de méthode claire et communément comprise de présenter les chiffres. Ne tardez pas à établir des indicateurs de rendement clés (IRC) et, au besoin, nommez un comité d’audit qui s’occupera de ce dossier avant la réunion du conseil.
La culture commence au plus haut niveau
Les bons conseils d’administration et les bons PDG savent que la culture commence par le comportement du PDG. La reddition de comptes, la transparence, la confiance, l’humilité et l’ouverture aux nouvelles idées ne prennent leur sens que dans l’action. Pour incarner ces valeurs, un bon PDG peut utiliser le calendrier du conseil pour établir une cadence de gestion de l’équipe. Il invite son équipe à faire des comptes rendus à sa place et à se concentrer sur un ou deux aspects de l’entreprise lors d’une réunion donnée, afin de pouvoir observer directement les interactions entre les administrateurs et de favoriser l’émergence d’idées nouvelles sur ces points. Un PDG qui renonce au besoin impérieux de « donner la bonne réponse » et qui affiche la confiance en soi nécessaire pour éviter de s’en prendre à ses subordonnés directs en abordant des sujets difficiles gagne en maturité. Un bon conseil d’administration contribue à une culture d’excellence dans l’entreprise grâce à trois comportements :
1) saluer le rythme d’apprentissage, le processus de réflexion, la clarté et la continuité des résultats présentés ainsi que l’incidence sur l’évolution de la stratégie;
2) se féliciter de poser les bonnes questions tout en permettant aux dirigeants d’être responsables de la stratégie qu’ils choisissent;
3) encourager la reddition de comptes en reconnaissant sans jugement l’écart à combler entre les résultats réels et le plan et, à l’instar de tout gestionnaire, chercher à savoir clairement qui est responsable de quoi et à quel moment.
La diversité est essentielle
Les administrateurs et les investisseurs se rallient de plus en plus à la thèse selon laquelle les équipes diversifiées sur le plan de l’expérience, de l’origine ethnique, du sexe et d’autres dimensions prennent constamment de meilleures décisions qu’un groupe de personnes aux vues similaires. Certains investisseurs, y compris mes partenaires d’Inovia, mettent ce principe par écrit lorsqu’ils financent un entrepreneur, pour que cette priorité se reflète dans la composition du conseil et à tous les échelons. Un bon conseil d’administration talonnera une équipe de direction qui manque de diversité. Il participera aussi à la recherche d’un directeur de l’expérience client afin de montrer au PDG « à quoi ressemble l’excellence » en lui présentant des cadres exceptionnels occupant des postes semblables dans d’autres entreprises, en discutant avec lui de la liste de candidats, en menant des entrevues pour évaluer et proposer les meilleurs candidats, et en faisant de ce dossier une priorité absolue. Je mène souvent des entrevues avec des cadres au pied levé le soir et la fin de semaine : c’est une partie importante de la description du poste! Et quand une agence de recrutement arrive avec une liste de candidats homogènes, nous proposons une autre agence qui a l’habitude de présenter des candidats plutôt que des excuses.
La continuité est primordiale
Le conseil d’administration d’une entreprise en démarrage tient généralement des réunions trimestrielles et un entretien téléphonique de mi-trimestre. Pour préserver l’équilibre mental de tous intéressés, il est conseillé de rendre compte des résultats des engagements pris au dernier trimestre et de faire des prévisions pour le trimestre à venir à l’aide d’un ensemble cohérent d’IRC. Normalement, il n’est pas nécessaire de se reporter aux diapos du trimestre précédent pour se remémorer les prévisions établies. Les bonnes sociétés utilisent des objectifs et des résultats clés, et j’encourage toutes les entreprises à faire de même. Invitez tous les membres du conseil à lire l’ouvrage Measure what Matters s’ils ne connaissent pas cette approche. Le PDG aguerri utilisera la préparation du conseil comme cadence de gestion pour que les membres de l’équipe de direction préparent leurs résumés trimestriels en conséquence et se réunissent ensuite avec leur équipe après la réunion pour discuter de la rétroaction et de tout changement d’orientation subséquent. La première réunion suivant un investissement de série A se veut souvent une version améliorée de la présentation aux investisseurs, ce qui ne pourrait pas être plus éloigné de ce qu’il faut faire pour tirer le meilleur parti d’un conseil d’administration. Convenez rapidement des principaux IRC qui serviront à mesurer la réussite et appliquez-les systématiquement.
Distribuer les documents à la dernière minute
Les administrateurs demandent souvent à ce que les documents soient distribués une semaine avant la réunion. Ce n’est pas nécessaire, selon moi. Dans le cas d’une entreprise en démarrage, les documents risquent de ne plus être à jour. Je préfère les recevoir de 24 à 48 heures à l’avance et je ne suis pas offusqué si le PDG attend le jour de la rencontre pour présenter son compte rendu, tant que toutes les données factuelles se trouvent dans le dossier préalablement remis. Quoi qu’il en soit, les administrateurs devront prendre quelques heures pour lire les documents. Cette approche permet un juste équilibre entre la présentation « en temps réel » et le fait de donner suffisamment de temps pour bien assimiler le contenu et y réfléchir. En lisant les documents, je note les questions que je veux poser. Il m’arrive de les envoyer par courriel avant la rencontre, mais je les garde gé
néralement pour la réunion, en partie parce que d’autres membres ont souvent les mêmes questions.
Trouver rapidement un administrateur indépendant
Je suis toujours impressionné de voir à quel point l’ajout d’un cadre d’exploitation issu d’une autre entreprise insuffle une nouvelle dynamique au conseil d’administration. Pour que le conseil fonctionne bien, il est essentiel de pouvoir compter sur des gens qui ont une expérience opérationnelle concrète, actuelle et pertinente. Quand je siège à des conseils performants qui ne disposent pas encore d’un tel membre — généralement ceux où tous les investisseurs ont une expérience opérationnelle –, je pose la question suivante : « Pourquoi ne pas recruter un bon administrateur indépendant le plus tôt possible? »
Nommer un ou une secrétaire
Dans les entreprises en démarrage, le ou la secrétaire n’a pas beaucoup d’autres tâches que celles de rédiger les procès-verbaux et de planifier les réunions. Certaines organisations demandent à un avocat d’assister aux réunions, mais en général, je ne trouve pas qu’il s’agit d’une dépense utile, sauf dans le cas d’une fusion-acquisition ou d’un dossier de gouvernance complexe. Le directeur financier est habituellement la personne la mieux placée pour préparer le procès-verbal. Il est préférable de s’en tenir au minimum, en indiquant que le conseil a abordé tel ou tel point soumis par les comités, sans donner de description détaillée allant au-delà des mesures à prendre et des résolutions adoptées.
Tenir des réunions de comités
Même dans un conseil de cinq membres formé après un investissement de série A, il est utile de nommer un comité d’audit et un comité des ressources humaines présidés par des gens qui ne font pas partie de la direction. Ces comités doivent se réunir avant chaque réunion du conseil et le directeur financier doit être présent à la rencontre du comité d’audit. Idéalement, ces rencontres se tiennent en personne avant la réunion du CA, mais il est possible d’organiser des conférences téléphoniques. Le président du comité d’audit a intérêt à prendre un café avec l’auditeur de la société au début de son mandat et une fois par an même si aux phases de démarrage, ce dernier ne présente qu’une mission d’examen au lieu d’un audit complet. Le comité d’audit peut analyser plus en détail les états financiers, en s’assurant de comprendre les leviers qui ont une incidence sur les liquidités et les options utiles aux discussions sur l’approbation du budget par le conseil. Le comité des ressources humaines, quant à lui, peut encadrer les discussions sur la rémunération du PDG, en veillant à ce que les sujets sensibles soient traités de manière respectueuse mais transparente, et soumettre au conseil une recommandation d’ajustements.
Les états financiers n’ont rien de sorcier
Les états financiers doivent être clairement présentés et comprendre une comparaison des chiffres réels par rapport au budget et, si nécessaire, par rapport à une prévision intermédiaire, ainsi que des comparaisons entre périodes (habituellement le trimestre courant par rapport au même trimestre de l’exercice précédent). Les chiffres réels remontant à une période raisonnable et les prévisions pour quatre trimestres, de préférence, doivent également être présentés pour discussion.
Il est difficile de faire des prédictions
Comme l’a dit Yogi Berra : « Il est difficile de faire des prédictions, surtout en ce qui concerne l’avenir. » Or, la capacité de prévoir est une qualité que possède toute entreprise prospère, et le processus pour passer de la conquête des premiers clients à un moteur de vente reproductible doit être compris de tous les membres du conseil. Où en sommes-nous dans la création et la mise sur pied d’une entreprise durable? Il est important de célébrer les bons coups et d’apprendre des erreurs, mais c’est en voyant l’entreprise comme un système — à savoir un ensemble de machines interdépendantes — qu’on favorise sa croissance. Le conseil d’administration permet d’interpréter les événements dans le contexte plus large de l’évolution de l’entreprise en actif précieux et durable.
Traiter des points épineux
Il est préférable de réserver la majeure partie du temps du conseil aux débats sur quelques sujets clés après la présentation des comptes rendus. C’est à ce moment que commence la véritable réunion. Les projections haussières défient-elles la gravité sans explication précisant en quoi l’avenir sera différent du passé? Le PDG respire-t-il la confiance en évitant toutefois de mentionner que l’entreprise sera à court de liquidités dans cinq mois? Croit-on que les gens adorent le produit alors que les chiffres montrent un exode massif des clients? Voit-on émerger une tendance de roulement des dirigeants clés dont personne ne veut parler? Les fondateurs sont-ils à couteaux tirés, mettant ainsi en péril la survie de l’entreprise? Le contexte concurrentiel a-t-il fondamentalement changé sans que personne demande si la stratégie actuelle est toujours adaptée? Un conseil d’administration performant est généralement capable de tenir des conversations difficiles de manière respectueuse et constructive. Il remet en question les idées, et non les gens.
Ce n’est pas facile. Mais si vous n’adoptez pas cette approche, vous vous retrouverez aux premières loges d’un fiasco monumental. C’est important. Il est parfois nécessaire d’intervenir au moyen d’une conversation en privé, pour ouvrir les yeux des gens. Mais si les idéaux culturels ci-dessous sont en place, il est généralement sûr de traiter des sujets difficiles avec l’ensemble du conseil sans que les gens se campent sur leurs positions. Je trouve personnellement qu’il vaut mieux exprimer ses incertitudes sous forme de questions afin de comprendre le scénario au lieu de s’attarder à la « probabilité d’occurrence d’un résultat ». Les questions ouvertes peuvent être utiles, par exemple :
- « Pourriez-vous m’aider à comprendre les raisons de la révision des tarifs de réservation par rapport à la situation actuelle? »
- « Ça me semble une augmentation impressionnante de la croissance des prévisions de recettes pour les prochains mois… Aurions-nous intérêt à effectuer un contrôle au milieu du trimestre pour nous assurer que nous sommes sur la bonne voie? »
- « Je sais que c’est difficile de faire des prévisions… Le conseil peut-il faire quelque chose pour garantir la réussite de cette mesure? Je veux me
concentrer sur le résultat souhaité, mais je pense qu’il faudrait aussi prendre le temps de songer au plan à mettre en place si le contrôle de mi-trimestre ne donne pas les résultats escomptés. »
Regarder vers l’avenir et non le passé
Il peut être tentant de passer beaucoup de temps à analyser en détail tout ce qui s’est passé au cours du dernier trimestre. Le passé n’est utile que dans la mesure où il reflète l’obligation de rendre des comptes et oriente les changements à venir; il devrait être couvert dans les documents écrits et compris par le conseil avant le début de la réunion. Quelques questions de clarification devraient suffire avant de passer à la discussion plus importante sur les éléments clés qui comptent vraiment. J’ai constaté que l’efficacité d’un conseil est assez fortement corrélée au pourcentage de temps consacré à l’avenir par rapport au passé dans les réunions.
Aller souper avec l’équipe de direction
Il est important de prévoir une rencontre informelle avant une réunion du conseil afin d’établir des relations et un lien de confiance. En l’absence de lien de confiance, les gens ne peuvent pas se montrer vulnérables et, même si un seul souper n’est pas une solution miracle, c’est un ingrédient nécessaire! Les entretiens en personne avec les membres de l’équipe de direction et du conseil d’administration permettent d’avoir une vue d’ensemble sur les dossiers clés, ce qui aidera les administrateurs à formuler des commentaires plus utiles et pertinents. La réunion du conseil doit être assez longue pour que les participants ne se sentent pas trop pressés; dans le cas d’une société de série A, il faut généralement prévoir quatre heures et un souper la veille pour entamer la réflexion.
Dans quelles circonstances faut-il congédier un administrateur?
Je trouve que les réunions par vidéoconférence ne constituent pas une bonne solution de rechange, car elles n’encouragent pas la pleine participation. Les réunions doivent être prévues au moins un an à l’avance et si un administrateur doit manquer plus d’une réunion en personne au cours d’une année donnée, ou arrive mal préparé plus d’une fois, il incombe au président de lui signifier que son poste pourrait être occupé par quelqu’un qui serait prêt à faire de ce travail une priorité. S’il s’agit d’un droit d’investisseur, mentionnez qu’un administrateur indépendant répondrait mieux aux besoins de la société, en conjonction avec un droit d’observateur pour l’investisseur. Un poste d’administrateur mal pourvu réduit l’obligation de rendre des comptes sur le rendement.
Les observateurs se contentent d’observer
Avez-vous déjà remarqué qu’un petit groupe qui se penche sur un sujet peut progresser beaucoup plus rapidement qu’un grand groupe où il est facile de se laisser distraire par des courriels et de perdre soudainement cette énergie magique? Il est avantageux d’exiger la pleine participation de tous. Les investisseurs, notamment les investisseurs stratégiques, négocient souvent le droit de dépêcher un observateur aux réunions du conseil, et le rôle de type d’observateur n’est pas toujours clair. Dans certains conseils comptant peu d’administrateurs, les observateurs sont invités à participer des membres à part entière, ce qui est acceptable si ce point a été débattu et compris. Mais en règle générale, je trouve que les conseils sont plus efficaces lorsque les observateurs s’assoient en retrait, car la présence de tiers a pour effet de réduire l’attention et l’obligation de rendre des comptes de l’équipe. Nous essayons particulièrement de suivre cette règle lorsqu’un deuxième membre d’une société de capital de risque (CR) se joint à l’équipe. L’ajout de ce deuxième membre peut être utile à l’entreprise, car il cherchera des moyens de l’aider et pourra collaborer avec l’associé afin de mettre à profit les ressources de la société de CR. Les observateurs peuvent assister à la rencontre par téléphone ou s’asseoir dans la pièce loin de la table et doivent être circonspects dans leurs commentaires, à moins qu’on ne leur demande d’intervenir sur un sujet. Il peut y avoir lieu de faire un peu d’éducation et de définir les attentes, par exemple, si un observateur stratégique qui participe à sa première réunion souhaite discuter longuement des activités du secteur sans comprendre la nécessité d’optimiser l’utilisation du temps. Il faut prendre les mesures qui s’imposent, au risque de déplaire à certains.
Était-ce une bonne utilisation du temps?
À la fin de la rencontre, je demande souvent au PDG : « Avons-nous bien utilisé notre temps aujourd’hui? » Les conseils d’administration doivent rendre compte de leur efficacité et ça commence par une simple question. Comme le principal levier d’un conseil change au fil de la croissance d’une entreprise, cette discussion devrait être évolutive.
Ne jamais omettre la séance à huis clos
Les conseils novices écarteront la possibilité de tenir une réunion en l’absence du PDG, craignant que cela n’indique un manque de confiance ou des réserves quant à la qualité de son travail. Pire encore, j’ai vu des PDG peu sûrs d’eux décourager cet emploi du temps incroyablement précieux et même omettre de solliciter des commentaires sur les réunions du conseil. Pour tirer parti des avantages d’un conseil d’administration, il peut s’avérer essentiel d’avoir une discussion franche avec le président ou de demander à l’administrateur indépendant principal de circuler dans la pièce pour recueillir le point de vue de chaque membre en l’absence des dirigeants. La trajectoire de croissance, les forces et les faiblesses du PDG devraient faire partie des sujets abordés, et les commentaires doivent être communiqués par une seule personne. Un conseil qui fonctionne comme un groupe d’individus donnant des conseils disparates au PDG peut être destructeur.
Investisseur et administrateur : deux rôles distincts
Un bon administrateur issu d’une société de CR est capable de laisser son chapeau d’investisseur à la porte et comprend les responsabilités fiduciaires d’un membre du conseil d’administration. Les membres du conseil doivent rendre des comptes à la société, ce qui est parfois incompatible avec les intérêts d’un investisseur. Si un investisseur n’indique pas clairement quel chapeau il porte à un moment donné, la situation pourrait prêter à confusion pour le PDG. J’ai pris l’habitude d’être très clair sur le fait que j’assiste aux réunions en tant que membre du conseil. Par exemple, si on
me demande si le fonds que je représente investirait lors d’une éventuelle ronde de financement, je donne seulement ma réponse en temps et lieu. Cette situation s’est produite récemment au sein d’un conseil. J’ai proposé de prévoir une téléconférence pour que le PDG ait une idée précise de la position des principaux investisseurs. Dans une autre situation, j’ai demandé à l’un de mes associés de parler au nom de la société des intérêts de nos investisseurs afin d’éviter tout conflit d’intérêts comme membre du conseil. La divulgation des conflits d’intérêts potentiels permet de tenir la bonne discussion.
Siéger à d’autres conseils
Si vous êtes un fondateur, c’est sans doute votre première expérience comme membre d’un conseil d’administration. Chez Inovia, nous encourageons les fondateurs dont l’entreprise a atteint un certain stade à se joindre à un autre conseil afin de collaborer avec un autre entrepreneur qui s’apprête à relever les défis qu’ils ont surmontés. Le fait de voir l’autre côté de la médaille présente de multiples avantages pour les deux parties.
Faire ses devoirs
Nous sommes tous occupés et il nous arrive parfois de ne pas être préparés, mais ce n’est pas une excuse. « Shawn, m’interrompt le président au beau milieu d’une phrase, ce sujet était abordé dans le courriel d’information envoyé par le PDG. » Il a adopté un ton brusque et direct, mais il a eu raison de dire que je n’avais pas à faire perdre de temps au conseil parce que je n’avais pas bien lu les documents avant l’appel. J’étais particulièrement gêné parce que je suis généralement celui qui mentionne gentiment à la direction : « Nous n’avons pas le temps de relire les diapos. Nous avons tous fait nos devoirs; passons directement au point sur lequel vous aimeriez avoir notre avis ». Quand je préside une réunion, je n’hésite pas à rappeler les autres à l’ordre pour m’assurer d’avoir les commentaires complets et éclairés de tous. Se faire montrer du doigt pour son opinion sur un sujet pour lequel on n’est pas préparé, ça n’arrive qu’une seule fois! Ce fut une bonne leçon d’humilité, mais j’étais aussi ravi de voir que nous nous étions fixé une norme élevée autour de la table. J’étais au bon endroit.
Le présent document a été rédigé à partir d’expériences vécues avec plus d’une centaine de confrères et consœurs membres de conseils d’administration. Quelques personnes méritent une mention spéciale, notamment tous mes collègues du conseil d’administration de Solium, qui ont fait preuve d’une bienveillance, d’un altruisme et d’un professionnalisme hors pair dans leur quête d’excellence en équipe.